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Êtres Humains ou Faire Humains ?


Redécouvrir notre identité à travers la tentation de Jésus


Quand nous lisons le récit de la tentation de Jésus dans le désert (Matthieu 4:1-11), il est facile d'y voir un simple exemple moral : résister à la tentation, citer l'Écriture, rester ferme. Mais si nous prenons le temps d'approfondir le texte, quelque chose de bien plus profond émerge — quelque chose qui remet en question non seulement notre compréhension de la tentation, mais aussi notre vision de nous-mêmes, de notre identité et de notre manière de vivre.


Dans le désert, la stratégie de Satan n'est pas aléatoire. Elle est ciblée et précise. Chacune des trois tentations suit la même structure :


Si tu es le Fils de Dieu, alors fais quelque chose pour le prouver.

La tentation consiste à performer pour confirmer son identité.


Or, juste avant cet épisode, lors du baptême de Jésus, le Père avait dit :


"Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection." (Matthieu 3:17)

Jésus a reçu l'affirmation de son identité par le Père - avant d'avoir accompli le moindre miracle, avant d'avoir prêché le moindre sermon, avant d'avoir guéri qui que ce soit. Il est aimé simplement parce qu'il est.


L’attaque de l’ennemi vise précisément à renverser cette parole, en poussant Jésus à faire pour prouver ce qu’il est déjà


La victoire de Jésus ne se limite donc pas à résister à la tentation ; elle est la victoire sur tout un système : celui de la performance identitaire.

Il refuse de changer les pierres en pain.

Il refuse de se jeter du haut du Temple.

Il refuse de s’agenouiller pour recevoir du pouvoir.


Il demeure simplement dans la parole déjà prononcée sur lui.


Ce moment constitue un modèle pour toute l'humanité - et confronte l’un des plus anciens et profonds mensonges que nous croyons :

nous devons faire pour être.



Le plus ancien mensonge : du jardin au désert


La structure de la tentation dans le désert fait écho à la toute première tentation dans le jardin d’Éden.


Adam et Ève avaient été créés à l’image de Dieu. Ils avaient reçu leur identité d’enfants bien-aimés de Dieu avant d’avoir accompli quoi que ce soit. Leur vocation était de vivre à partir de leur identité, et non de travailler pour l’obtenir.


Pourtant, le serpent vient murmurer :


“Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu…” (Genèse 3:5)

Le piège est subtil : faire quelque chose pour devenir ce qu’ils étaient déjà.


En effet, ils étaient déjà créés à l’image de Dieu (Genèse 1:27).


Le mensonge du serpent introduit le doute par rapport à leur identité. Ils les invitent à mériter au travers de ce qu'ils font l'identité qu'ils ont déjà reçue par grâce.


Les conséquences pour Adam et Eve et l'humanité ? La chute. Une identité brisée. L'aliénation.


Tout au long des Écritures, ce modèle se répète :


  • Abraham et Sarah, au lieu de faire confiance à la promesse de Dieu, ont “performé” la promesse avec Agar, ce qui a conduit à des conséquences profondes.

  • Israël, appelé à être le peuple élu de Dieu, est tombé maintes fois dans le piège de “prouver” sa valeur en copiant les nations environnantes.


Encore et encore, l’humanité choisit de « faire » pour « être ».


Et ce schéma ancien se répète jusqu’à nous :

Le doute sur l’identité ➔ La poussée vers la performance ➔ La rupture de la relation.

Jésus vient pour briser ce cycle.


Jésus : La restauration du modèle humain


Jésus entre dans cette histoire brisée non seulement pour pardonner les péchés, mais pour reconstruire l’humanité de l’intérieur.


En refusant le piège tendu par Satan, il modélise une nouvelle manière d’être.


Il montre ce que signifie être pleinement humain :


  • Enraciné dans la voix du Père.

  • Ne pas agir pour obtenir l’approbation.

  • Ne pas réagir aux accusations.

  • Agir à partir de son identité, et non pour obtenir une identité.


C’est pourquoi la tentation dans le désert est la première grande bataille.

C’est la victoire intérieure sur le système de l’identité par la performance.

Et ce n’est pas un hasard si la dernière grande bataille — Gethsémané — fait écho à la même posture de confiance et d’abandon :


“Père, si cela est possible, fais que cette coupe s’éloigne de moi. Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux.” (Matthieu 26:39)

Encore une fois, Jésus choisit l’être plutôt que le faire. Il ne fuit pas la souffrance pour se sauver lui-même (faire), il demeure enraciné dans son identité de Fils Bien-Aimé, soumis à la volonté du Père (être).


Son obéissance mène à la vraie réconciliation — pas par une performance forcée, mais par une confiance radicale.


Jésus reste enraciné.

Même lorsque tout s’effondre.

Même lorsque toute possibilité de performance disparaît.

Même face à la mort.

Il ne fait pas pour être.

Il est, et c’est de là qu’il agit.


Une nouveau paradigme de lecture de la Bible


Ce regard reconfigure notre manière de lire toute l’Écriture.


Nous ne voyons plus simplement des personnages qui réussissent ou échouent sur un plan moral.

Nous discernons un schéma plus profond : l’humanité oscille sans cesse entre l’être et le faire, entre la confiance et l’effort.


  • Adam et Ève chutent lorsqu’ils font pour devenir.

  • Abraham et Sarah chutent lorsqu’ils font pour accomplir.

  • Israël chute lorsqu’il agit pour se sécuriser.

  • Jésus demeure ferme en étant enraciné dans l’amour du Père.


Lorsque nous lisons l’Écriture à travers ce prisme, elle révèle un appel à revenir au projet originel : une vie enracinée d’abord dans l’être, d’où découle un faire authentique.


Cela signifie rejeter le vieux mensonge selon lequel notre valeur doit être méritée. Cela signifie recevoir la voix du Père : “Tu es mon enfant bien-aimé.” Et à partir de ce lieu, vivre, agir, servir.


Ce changement transforme tout :

Il transforme la prière de la lutte à l’abandon.

Il transforme le leadership de la démonstration à la servitude.

Il transforme la mission du mérite à la réponse.


C’est une guérison profonde de l’âme.


La grande supercherie de l’humanité


À la lumière de cela, on peut dire que la plus grande supercherie que Satan ait jamais infligée à l’humanité n’a pas été la tentation au péché au sens étroit.

Ce fut l’inversion de l’être et du faire.

Le mensonge dit :

« Prouve ta valeur. »

« Réussis pour être accepté. »

« Travaille pour être aimé. »


Jésus expose complètement cette supercherie. Il incarne une autre voie :

« Tu es aimé. Tu es choisi. Agis à partir de là. »


Vivre ce changement


Cela change tout.


Si je suis déjà aimé, alors prêcher, éduquer, diriger, travailler, créer ne sont plus des cris désespérés pour obtenir une validation.

Ce sont des réponses libres à une réalité déjà établie.


Dans un monde esclave de la performance, Jésus nous invite à revenir à la simplicité de la filiation — être fils et filles.

C’est l’invitation radicale de l’Évangile :

Cesser de lutter pour obtenir une identité.

Se reposer dans l’amour reçu.

Agir à partir de son identité, et non pour obtenir une identité.


C’est seulement à partir de cet endroit que peut naître une véritable fécondité.


Conclusion


Dans le désert, Jésus a réécrit l’histoire humaine.

Il a affronté l’ancienne supercherie — et l’a brisée.


Aujourd’hui, chacun de nous se tient dans ce même écho :


  • Vivrons-nous pour prouver notre identité ?

  • Ou vivrons-nous à partir de notre identité ?


L’appel de Jésus est clair :

Viens, enfant bien-aimé.

Sois d’abord.

Et que ton agir découle de ton être.

 
 
 

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